Description
Edifié dans les années 1760, le palais abbatial du Val Saint-Lambert est classé comme monument et site depuis 1973, alors que les cristalleries qui l’occupent depuis 1825 sont toujours en activité. Avec leur faillite trois ans plus tard, l’édifice est progressivement abandonné et se trouve dans un état de délabrement avancé quand nous sommes chargés de sa restauration à la fin des années 1990. L’expérience acquise en matière de réaffectation d’immeubles anciens nous a permis de définir une philosophie d’intervention adaptée à l’importance et à l’état du bien : allier efficacité et respect du patrimoine, se garder de toute interprétation, restituer l’architecture originale chaque fois que sa forme est précisément connue et suppléer aux lacunes des vestiges en place par des interventions minimales mais résolument contemporaines et facilement identifiables comme telles.
Un patrimoine historique de premier plan
Construit de 1762 à 1765, le palais abbatial du Val Saint-Lambert constitue un témoin majeur de l'architecture de la seconde moitié du xviiie siècle dans l'ancien Pays de Liège. L'édifice présente un plan en L autour d'un jardin où s'élevait l'église consacrée en 1760 et détruite 42 ans plus tard. C'est surtout l'aile ouest qui retient l'attention. Sa façade, qui associe la brique et la pierre calcaire, comporte deux niveaux et s'étend sur 17 travées. Elle reçoit l'entrée principale du bâtiment, marquée par un avant-corps central en léger ressaut coiffé d'un fronton triangulaire qui intègre une horloge. La qualité du calcul des proportions et la sévérité du rythme de l'architecture attribuée à Jean-Gilles Jacob témoigne du savoir-faire du maître-maçon originaire d'Hermalle-sous-Huy. C'est dans la partie sud de ce bâtiment qu'étaient logés les moines et le prieur à qui revenait l'appartement du pavillon d'angle, alors que la partie nord recevait les quartiers de l'abbé. Les archives nous donnent une idée précise de la richesse de la décoration intérieure de l'édifice dont il ne subsiste plus que quelques rares stucs et peintures murales que la restauration a permis de sauvegarder.
Après l’abandon du site par les Cisterciens en 1796, le Val Saint-Lambert n’accueille plus que des activités industrielles et commerciales. De 1797 à 1812, c’est la filature de lin De Neef qui y prend place. Avec l'installation des cristalliers à partir de 1825, l’ancien complexe monastique connaît une seconde vie et, bien entendu, d'importantes modifications immobilières. Le palais abbatial abrite l’administration de la Société anonyme des Verreries et Etablissements du Val Saint-Lambert ainsi que d’autres services comme l’imprimerie, la bibliothèque et l’école de dessin des cristalleries. En 1976, la société tombe en faillite. L’édifice est progressivement abandonné. Il reste menacé de ruine et de destruction jusqu’au milieu des années 1990. Racheté en 1979, pour l’aile nord, et en 1988, pour le reste du complexe, par la Commune de Seraing, le palais connaît, à ce jour, trois phases de travaux.
Restauration de l’aile ouest (phases I et II)
Les deux premières phases de travaux achevées en 1999 et 2001 portant sur l’aile ouest du complexe nous sont confiées, sur base d’un appel d’offres européen, dans le cadre de notre association avec la s.p.r.l.u. de l'ingénieur en structure Jean Dehareng, spécialiste de restaurations historiques. Il s’agit d’y loger des activités touristiques centrées sur une collection de verreries et un parcours-spectacle qui explique les développements immobiliers du Val Saint-Lambert et retrace l’histoire des industries verrières en intégrant des démonstrations de soufflage, de taille et de gravure de pièces en cristal.
L’état de délabrement du palais abbatial du Val Saint-Lambert en 1996 nécessite d’importantes interventions. Les écoulements d’eau dus au mauvais état des toitures ont fragilisé les structures portantes de l’édifice : les charpentes se trouvent profondément altérées et, sous leur propre poids, les toitures et les planchers se sont effondrés, emportant dans leur chute les murs intérieurs. Inoccupé pendant plus de 10 ans, l’édifice est, en outre, pillé : tous les matériaux et objets de valeur (ferronneries, cheminées, planchers, marbres, zincs… ) ont disparu. Il faut donc, avant toute chose, assurer l’étanchéité et la stabilité du bâtiment. Les charpentes sont restaurées ; certaines doivent être entièrement reconstruites. Les toitures et les lucarnes sont restituées à l’identique. Après examen des capacités portantes des fondations et des sols, les planchers et les arrière-linteaux sont remplacés par des éléments en béton armé.
Durant tout ce travail, nous sommes restés fidèles à une philosophie de restauration dont nous avions montré le bien fondé avec les travaux du couvent des Ursulines de Liège achevés en 1996. Il s'agit avant tout d'allier efficacité et respect du patrimoine. Nous gardant de toute interprétation, nous avons veillé à respecter l’architecture originale chaque fois que sa forme était connue et à suppléer aux lacunes des vestiges en place par des interventions minimales mais résolument contemporaines et facilement identifiables comme telles. Le principe s’applique aussi bien aux détails des châssis de fenêtre qu’au plan, aux volumes intérieurs et à la restitution des rythmes originaux des façades (obturation des ouvertures récentes, réouverture des baies anciennes obturées, démolition des extensions tardives). La démonstration la plus aboutie de ce système de restaurer se trouve sans doute dans le travail des châssis de fenêtre. Partant de l’idée que la mémoire collective conserve l’image des châssis du xxe siècle plutôt que celle des menuiseries originales, nous ne les dessinons pas par référence à une époque mais en fonction de l’harmonie des élévations. On emploie l'aluminium - résistant et facile d'entretien - selon une mise en oeuvre à la fois discrète et efficace. Appliqués sur un pré-cadre qui reprend les hors plombs des baies, les nouveaux châssis sont rigidifiés par une structure très fine qui permet de supporter de grands vitrages isolants, de réduire les surfaces métalliques visibles, de faire pénétrer les dormants à l'intérieur du mur et de laisser venir le verre au nu extérieur des fenêtres.
C’est surtout à l’intérieur du bâtiment que les interventions contemporaines sont visibles. Leur conception répond précisément aux exigences de la réaffectation tout en s’inscrivant dans une perspective historique. Ici, tout est reconstruit. En 1996, les planchers et les cloisons ont déjà disparu ou restent à démonter. Nous mettons cette opportunité à profit pour créer un espace ouvert avec des perspectives inhabituelles : la grande galerie aménagée sur toute la longueur du bâtiment s’étend sur plus de 50 mètres et mesure plus de 9 mètres de haut pour seulement 3 mètres de large ; c’est ici que prend place la collection de verreries protégée par une immense vitrine construite sur plusieurs niveaux. Afin d’alléger visuellement tous les apports contemporains et ainsi faciliter leur intégration, on privilégie l’emploi de l’acier inoxydable et du verre que ce soit pour les escaliers, les passerelles ou les coursives. Il en résulte des effets de transparence et de reflet qui donnent une ambiance très personnelle aux espaces intérieurs. L’emploi du verre tient aussi de la volonté de faire référence à l’activité du lieu : on le retrouve même dans les sols réalisés dans un granito qui incorpore des morceaux de cristal de couleur. Nous veillons en outre à conférer à la distribution intérieure une souplesse d’adaptation à d’éventuelles nouvelles destinations. En ne donnant aux murs transversaux aucune fonction architectonique, on obtient des possibilités de modulation du plan faciles à mettre en oeuvre. La distribution des techniques répond au même principe : elles sont toutes intégrées dans des doubles murs ou des doubles linteaux et desservent les faux plafonds du rez-de-chaussée au départ des combles.
Restauration de l’aile nord (phase III)
La phase III porte sur la réaffectation de l’aile nord où doivent être aménagés des espaces d’expositions temporaires et des salles de séminaires.
Les volumes, façades et toitures datant du XVIIIe siècle sont restaurés dans le respect du patrimoine, tout en incluant, comme dans les phases précédentes, des matériaux plus durables (châssis à coupure thermique en aluminium laqué et anodisé, chéneaux de toiture et descentes d’eau pluviale en acier inoxydable microbillé…). Tous les planchers sont remplacés par dalles en béton qui restituent l’élévation originale et permettent de liaisonner les façades et ainsi de participer à la stabilisation de l’ensemble de l’édifice.
La transformation de l’avant-corps au centre de la composition nous a demandé une attention particulière. Pour remplir les différentes fonctions prévues au programme, nous avons dessiné un volume cubique dégagé de la façade avant du bâtiment par un espace ouvert sur quatre niveaux. Cette nouvelle construction abrite un espace d’accueil au rez-de-chaussée, deux salles de séminaire (2x100 places) aux étages et un salon sous toiture. La force de ce « geste » architectural s’affirme dans sa simplicité formelle, dans la qualité rythmique des ouvertures et dans le choix du parement (lattes de padouk). Sa couverture a fait l’objet d’une recherche singulière : assurée par une fine toiture soutenue par de minces colonnes d’acier d’ordre monumental, elle semble flotter au-dessus de tout le complexe et protège, avec ses importants porte-à-faux, les deux terrasses panoramiques qui desservent le dernier niveau. Si nous nous sommes ici permis de travailler un langage architectural très contemporain et de modifier le bâtiment en place (démontage du fronton, de la façade arrière et de la toiture), c’est parce que ce dernier n’avait que très peu de valeur patrimoniale. Construit en 1882 à l’emplacement du narthex de l’abbatiale disparue, c’est en réalité un pastiche dessiné sur le modèle de l’aile ouest. Il nous est d’emblée paru pertinent de poser un geste architectural pour exprimer ce caractère artificiel mais de préserver la cohérence de l’image de l’ensemble des bâtiments par le maintien de la façade avant. Il s’agissait de prolonger la même volonté d’attention à la mémoire collective que celle qui nous avait guidés pour le dessin des châssis, lors des premières phases de construction. La collaboration avec le plasticien Jean Glibert va dans ce sens : son travail sur le jeu de vitrages colorés appliqués à fleur de parement a certes une signification plastique autonome mais il s’inscrit aussi dans une démarche d’intégration à l’architecture dont il relève le caractère contemporain.
Les abords (non réalisés)
Le déplacement de l’entrée principale du complexe de l’aile sud vers l’aile nord nous a incité à concevoir des abords qui puissent revêtir un rôle signalétique. En collaboration avec le paysagiste Eric Dhont, nous avons dégagé trois axes de recherches : expliciter l’historicité du site en marquant les traces d’édifices disparus, clarifier la nouvelle hiérarchie du complexe et définir des espaces d’agrément, dont une terrasse arrière couverte par le porte-à-faux de la toiture. Aucune suite n’a été donnée à nos propositions.
Fiche technique
Restauration de l’aile ouest (phases I et II) et rénovation de l’aile Nord (phase III)
Mise en valeur des potentialités existantes par le développement et la promotion du tourisme au travers de la mise en place d'infrastructures d'accueil, de loisirs et d'affaires au château et sur le site du Val Saint lambert à Seraing.
Localisation
Longitude: 5° 30' 48.637" E