Description
Une grande valeur patrimoniale
A l’exception du manège et de l’ancienne salle capitulaire des Ecoliers, l’ensemble immobilier aujourd’hui investi par les Instituts Saint-Luc et le Festival de Liège ne comprend pas de bien à valeur patrimoniale. Austères, avant tout fonctionnels, les bâtiments ont pour la plupart été élevés dans les années 1830 pour affecter à des fins militaires un monastère très endommagé. C’est un régiment de cavalerie qui y est logé : la garnison ira jusqu’à compter 1156 hommes et 873 chevaux. Le manège (1837) montre bien l’importance des activités militaires.
Construit en briques, l’édifice présente un volume dont la massivité est à peine atténuée par le dessin des façades divisées en registres délimités par une ornementation discrète. C’est surtout à l’intérieur que la qualité du bâtiment se révèle. Le génie militaire a réalisé une prouesse technique en couvrant les 1700 m2 d’une charpente d’assemblage en bois posant uniquement sur les murs extérieurs sans support intermédiaire. Dessiné suivant un modèle inventé par le colonel Emy qui fut professeur de fortification à l’école royale militaire de Saint-Cyr, l’ouvrage recourt au système « d’arc en madriers courbés sur leur plat » déjà mis en œuvre au manège de Libourne (France) en 1826 mais sur une surface beaucoup plus petite (1008 m2). Abandonnée par les militaires, la caserne Fonck est vendue en 1998. Suite à une restauration dirigée par Eugène Moureau, les Instituts liégeois Saint-Luc occupent la majorité du site, à l’exception du manège. La Communauté française de Belgique destine ce dernier aux activités théâtrales et en particulier au Festival de Liège qui l’occupe dès avant la restauration que, suite à un concours remporté en 2001, nous avons achevée en février 2009, après deux ans de travaux.
Une intervention sensible et polyvalente
Notre proposition est simple : préserver le génie du lieu. D’emblée, nous avons exclu toute attitude démonstrative et prôné une intervention avant tout respectueuse de la sensibilité patrimoniale du bien. A l’extérieur, les bâtiments annexes ont été détruits pour affirmer la nouvelle identité du lieu. Seule l’extension construite sur la façade nord en 1935 est maintenue pour sérier les accès au bâtiment et abriter les loges, une zone d’accueil, les bureaux de la production et une salle polyvalente. L’unique volume ajouté est discret : à l’arrière du manège, on a élevé un édifice aux formes très contemporaines pour abriter la chaufferie, le groupe de ventilation, la cabine haute et basse tensions, un atelier de réparation, un monte-décor et un accès au sous-sol. C’est surtout pour l’aménagement intérieur que nous avons travaillé. Paradoxalement, notre intervention est quasiment invisible. « Je me suis demandé ce qui faisait que la représentation d’un spectacle à un endroit désaffecté comme le manège de la caserne Fonck pouvait avoir de fascinant. Avec toute une équipe où ont travaillé des architectes, des ingénieurs mais aussi un scénographe et un plasticien, on a rapidement relevé l’intérêt de la rencontre entre l’expression théâtrale d’aujourd’hui et la sensibilité de ce lieu chargé d’histoire. On a travaillé à préserver la majesté du bâtiment en dégageant son volume intérieur au maximum. On a aussi été attentif à préserver les signes du temps, jusqu’à choisir des options pour le moins radicales comme celle de ne pas rafraîchir les peintures des murs. Le raffinement de certaines finitions donne du sens à cette démarche ; on le voit bien dans la conception des détails dans la ferronnerie des grandes grilles coulissantes qui ferment les accès extérieurs » (Daniel Dethier). Toute la machinerie est soit dissimulée, soit mobile. Les installations techniques, en particulier les systèmes de chauffage, de ventilation et de sécurité ont été étudiées dans un esprit d’intégration à l’architecture en place. Une des idées fortes du projet est de creuser le sol et aménager une grande cave pour stocker le matériel de scène qui est aisément acheminé en salle grâce au monte-décor. C’est une grande « boîte à outil » où tout se range avec rationalité. Outre d’offrir la possibilité d’y dissimuler un grand nombre de techniques, cette disposition s’avère plus économique que la construction d’une annexe, d’autant plus que le sol en place devait être réparé. Elle permet encore d’optimaliser la polyvalence du lieu : grâce à son espace complètement dégagé et à la conception d’une scène et de gradins mobiles, on peut travailler sur un grand nombre de configurations pour les représentations théâtrales mais aussi pour des concerts ou des expositions.
Une approche paradoxale
« A Fonck, notre travail a quelque chose de paradoxal. Afin de libérer au maximum le volume intérieur, nous avons mené des recherches très poussées. C’est très compliqué au point de vue technique, pour l’acoustique notamment, ou pour masquer les installations nécessaires au respect des normes de sécurité … et on ne voit pas le travail qui a été fait. Certains nous l’ont reproché » (Daniel Dethier). Cela pose de nombreuses questions. Contrairement à ce que la majorité des législations en matière de biens patrimoniaux prévoient, la retenue dans le geste architectural serait-elle en définitive difficile à tenir ? Serait-il plus risqué de défendre le réel d’un bâtiment que de chercher à y inscrire une signature architecturale contemporaine ? Gérôme Sans, au moment de l’ouverture du Palais de Tokyo, regrettait que les institutions culturelles mises en place dans les années 1980 et 90 se devaient d’être des monuments à l’architecture avant d’être dédiés à l’art, des « showrooms d’architectes ». Avec le recul, il semble difficile de mesurer combien cette logique est dépassée.
Fiche technique
Restauration et réaffectation d’un ancien manège en salle destinée aux spectacles et autres évènements, en locaux de stockage, bureaux, espaces techniques et de manœuvre contigus, au cœur du quartier d’Outremeuse à Liège.
Localisation
Longitude: 5° 35' 12.589" E