Le climat change. Les températures augmentent. Les cataclysmes se multiplient. Plusieurs régions du monde sont dévastées par des incendies consécutifs aux canicules. D’autres sont détruites par des ouragans majeurs. A cela s’ajoute les effets de la pandémie Covid-19 qui reste hors de contrôle : des variants très contagieux apparaissent de plus en plus nombreux. Ces catastrophes ont une seule et même origine : l’activité humaine. Il apparaît donc fondamental de revoir notre rapport à la nature si nous voulons permettre la vie future sur Terre.
Le GIEC annonce ces changements depuis plus de 30 ans. Les premières mises en garde remontent en effet au début des années 1990. La situation ne fera que s’aggraver. Le niveau des mers s’élèvera. Les canicules et les perturbations torrentielles vont se succéder. Des déplacements massifs de population fuyant des zones devenues inhospitalières bouleverseront l’ordre mondial. Les zoonoses résultant de la destruction des milieux naturels se multiplieront. Toutes les régions du Globe seront impactées. Il faut cesser de croire que nous nous trouvons à l’abri. Les inondations que la Wallonie a connues à la mi-juillet vont se répéter ; elles n’ont plus le caractère exceptionnel que ce type de catastrophe pouvait avoir par le passé. Et la seule solution est de modifier radicalement nos attitudes si on ne veut pas que la situation sur une échelle tant mondiale que locale devienne ingérable et ce de façon définitive.
Aujourd’hui, chez nous, ce comportement responsable devrait commencer par la manière dont les interventions dans les zones sinistrées vont être menées. C’est d’autant plus souhaitable que cette catastrophe a engendré une forte pollution. Les hydrocarbures ont contaminé les sols pour plusieurs années. Les démolitions, gravats, déchets évacués vont demander beaucoup de temps pour être triés, traités. Il faut donc que la reconstruction soit envisagée de la manière la plus durable possible en intégrant la dimension écologique comme essentielle puisque les pollutions participent aux dérèglements climatiques et donc à l’origine même des inondations.
La réflexion devrait prioritairement porter sur de nouvelles dispositions en matière d’aménagement du territoire. Rendre aux cours d’eau leur vallée constitue un premier élément de solution. On sait que les canaliser et les couvrir constituent une très mauvaise proposition. Mieux vaut laisser l’eau se répandre dans des zones où elle ne provoque pas de dégât … d’autant qu’une telle disposition permettrait de libérer des terrains pour réaliser des aménagements paysagers de qualité et de multiplier les éco-systèmes, les potagers, les parcs, les aires de jeux et de convivialité … Les matériaux issus des démolitions (briques, pierres, bois …) peuvent être utilisés pour développer des environnements qualitatifs et perméables. La proposition est féconde. D’autres aspects des problématiques d’aménagement du territoire, notamment la mobilité, s’y intègrent : pourquoi ne pas mettre la reconstruction à profit pour laisser la part belle aux transports publics et aux modes de transport doux ?
Les études doivent aussi permettre d’envisager de nouvelles typologies architecturales : soustraire les bâtiments aux risques d’inondation en les élevant sur pilotis éviterait d’être contraint de déplacer les habitants des zones sinistrées et donc d’augmenter leur désarroi. Il serait possible de reconstruire in situ à l’abri de ce type de catastrophe. Les aménagements du sol permettraient d’ouvrir des espaces collectifs et privatifs. On pourrait aller plus loin et s’engager vers des arts de vivre différents et plus responsables. Je pense notamment aux colocations qui connaissent aujourd’hui un intérêt grandissant, avec une mise en commun de locaux et d’équipements (buanderie, chaufferie …). Les avantages sont nombreux. Citons la mutualisation de la production d’électricité par des panneaux photovoltaïques et un stockage partagé de l’énergie lesquels permettraient de constituer des quartiers quasi autonomes et surtout indépendants des produits fossiles.
Il convient encore de réfléchir à la manière de bâtir. Il faut en tous cas éviter de répondre à la carence en logement inhérente aux inondations par des bâtiments provisoires … une fausse solution qui entraine une pollution et un gaspillage à la construction et à la démolition.
Il faut bâtir des immeubles pérennes en prévoyant une grande flexibilité. Et force est de reconnaître que l’architecture traditionnelle n’offre que très peu de possibilités d’adaptation. Elle exploite les murs pour soutenir les planchers et la toiture : il est donc malaisé de percer de nouvelles ouvertures et plus encore de les déplacer. Avec les systèmes constructifs à ossature, la stabilité est assurée par des poutres reposant sur des colonnes ; les cloisons et les murs sont indépendants de la structure du bâtiment et peuvent donc être facilement déplacés, modifiés. Cette capacité évolutive permet en outre de réagir très rapidement et de façon intégrée à une situation comme celle que connaissent les zones sinistrées par les inondations. En effet, on peut envisager de réaliser dans un premier temps l’édification de nombreux logements de taille réduite lesquelles répondront à l’urgence du moment mais qui pourront par la suite être aisément agrandis et /ou transformés pour s’adapter aux exigences de chacun ainsi qu’à un grand nombre d’usages.
La rapidité d’exécution constitue un autre atout indéniable. Elle est inégalable dans le cas d’une préfabrication en atelier, d’abord en raison de l’industrialisation, de la répétition et la systématisation du processus. Mais il faut considérer d’autres facteurs comme le fait que les aléas de la météo ne la perturbent pas. Avec un système de préfabrication ouverte laquelle repose sur l’assemblage d’éléments standardisés fabriqués par différentes entreprises régionales, on peut encore augmenter les rendements en préservant des standards de qualité impossible à atteindre en construction traditionnelle.
Les systèmes modulaires préfabriqués constituent bien une réelle solution à la reconstruction en zones sinistrées. Les recherches que mon bureau d’architecture mène en la matière depuis les années 1990 ont permis de mettre l’épreuve leurs capacités à répondre aux multiples questions que nous venons de soulever. Elles ont débouché sur la mise au point du système HOSOMI, un mot qui, en japonais, signifie « la découverte de la beauté au quotidien ». Fabriqués en atelier, les modules possèdent une ossature sur laquelle viennent se greffer les différents composants (éléments de mur, plancher, toiture, escaliers, portes, fenêtres, pare-soleil...) et équipements (chauffage, ventilation, pompe à chaleur, panneaux photovoltaïques, électricité, mobilier, sanitaires…) suivant des compositions évolutives qui peuvent s’adapter spécifiquement à une grande diversité de contextes. Ses caractéristiques s’inscrivent pleinement dans un esprit de développent durable. Elles intègrent des considérations sur la réduction de l’empreinte carbone, sur l’autonomie énergétique, sur l’exploitation des circuits courts, sur le remploi, sur le bien-être des usagers des bâtiments mais aussi de ceux qui les construisent … Les phases d’études sont achevées. La production industrialisée est au point. Cinq immeubles HOSOMI dont quatre logements habités depuis un an ont déjà été construits. Plusieurs publications sont disponibles à ce sujet … à voir, à lire, à réfléchir pour des solutions aux défis de nos futurs proches.